Le rhum
agricole et moi ça n'a pas toujours été une histoire d'amour.
Avant de
vous parler de cette tardive idylle, un rapide rappel sur ce qu'est le rhum
agricole, par opposition au rhum traditionnel (je ne vais pas énumérer toutes les
sous catégories).
Commençons
par dire que l'un comme l'autre sont fait uniquement à base de canne à sucre
(si on met des côtés de potentiels ajouts, par exemple de caramel, pour
influencer la couleur), mais il y a une différence de taille.
On a d'un
côté le rhum traditionnel (souvent également appelé industriel - pour moi ces
deux mots sonnent contradictoires d'ailleurs, mais bon), c'est le rhum qui est
fait à base de mélasse, sous-produit de la production de sucre. Vous récoltez
votre canne, vous faites votre sucre et il vous reste un truc : la mélasse ;
c'est ce produit qui va être distillé et donner votre rhum traditionnel.
Historiquement la distillerie était souvent rattachée à une sucrerie mais bien
souvent, la sucrerie attenante ne suffisait plus à fournir la distillerie qui
devait alors acheter des mélasses à d'autres sucreries (voire à d’autres pays).
Certaines distilleries ne sont d'ailleurs absolument pas rattachées à une usine
sucrière et doivent donc importer l'intégralité de leur matière première.
La canne à
sucre produit donc deux sources de revenus : le sucre et le rhum.
De l'autre côté, nous avons le rhum agricole. Ce
dernier est directement fait à partir du jus de la canne à sucre, le vesou (hop
nouveau mot pour briller en société ;)). Ici la canne est donc cultivée avec
pour unique usage la fabrication de rhum. Rien d'étonnant donc à ce que le goût
soit différent, et pas qu'un peu ! Cette catégorie est très peu représentée
dans le monde : Martinique, Guadeloupe, Île de la Réunion, Île Maurice, Guyane
Française, Haïti, Brésil ; je ne crois pas en avoir oublié. J’ajouterais, même
si c'est un peu simplifié, que le Brésil est surtout connu pour la Cachaça et
Haïti pour ses clairins (et Barbancourt), qui a dit Velier ?
Depuis 8 ans, il existe également une appellation
d'origine contrôlée, qui concerne uniquement les rhums de Martinique élaborés
en accord avec les critères (très stricts) de cette AOC. Il a quand même fallu
20 ans de démarches pour faire voir le jour à cette appellation, c'est pas
n'importe quoi, mais malheureusement, les consommateurs ne sont pas toujours au
courant et on peut s'interroger sur les retombées positives de cette AOC sur
les rhums de Martinique. Cela vaut-il vraiment le coup ? Personnellement je
pense que oui, c'est le témoignage d'un sérieux et d'une exigence qui doivent être
salués.
Il est à
noter que la production de cette variété de rhum représente grosso modo (les
chiffres varient selon les sources) entre 5% et 10% de la production de rhum
dans le monde. Non, ça fait pas lourd et on a bien de la chance d'être français
! :)
Bon voilà,
l'homme à la poussette remballe ses lunettes et son air de Monsieur je sais
tout.
Oui, la bouteille est vide, c'est bon signe :) |
Je crois que
mon problème avec les rhums agricoles ça a été les mauvais rhums blancs (vous
savez les trucs de supermarchés mélangés à des mauvais jus de fruits qui vous
donnent mal au crâne le lendemain, et là je reste soft :P) bus en soirées
durant ma jeunesse, depuis quelques années révolue. J'ai associé les mauvais
rhums à un arôme précis, que malheureusement j'ai "longtemps"
retrouvé dans les rhums agricoles - non, amateurs et défenseurs des rhums
agricoles, ne me jetez pas tout de suite des fruits pourris, j'ai changé !
Par contre je n'ai jamais bien compris comment le
changement s'est opéré. J'ai persévéré et ai continué à goûter des rhums
agricoles de temps en temps, mais sans succès, jusqu'au jour où, en visite chez
A'Rhum (oui ils ont fait beaucoup pour moi et pour l'intérêt de mon fils pour
les poissons rouges :)), après avoir dégusté quelques traditionnels, Freddy m'invite
à essayer le Depaz XO. Alors là en même temps, il n'a pas attaqué avec n'importe
quoi le Freddy, cette bouteille reste un de mes rhums préférés, tout simplement
(bon, ma bouteille est terminée, il va falloir se réapprovisionner). Et là
je suis sur le postérieur, abasourdi. Un agricole sans ce "truc
agricole" qui jusqu'alors me dérangeait. Pour être plus précis, je le
sentais toujours (mais moins) et je le trouvais intéressant.
Je ne sais plus dans quel état j'erre, et presque sans
m'en rendre compte, voilà que je repars avec la bouteille.
BIM ! Mon premier rhum agricole, le premier d'une
série qui ne cesse, depuis, de s'agrandir.
Si je devais
essayer d'identifier les principales différences gustatives entre les deux
types de rhum décrits plus haut, voilà ce que je dirais :
- Les rhums
agricoles sont souvent plus secs, végétaux et épicés que les rhums
traditionnels.
Ma première chez l'Esprit |
- Les rhums
traditionnels sont souvent moins secs, végétaux et épicés que les rhums
agricoles. Comment ça, c'est pas drôle ? Bon ok, les industriels sont souvent
plus doux (si ce n'est sucré), sur des arômes de vanille et de caramel, et du
coup sans doute plus abordables. Oui c’est sommaire et réducteur, mais j’essaye
vraiment de parler d’une majorité, de cette majorité qui remporte tant de
succès.
Attention,
bien que j'ai maintenant appris à aimer les rhums agricoles, je n'en dénigre
pas les rhums traditionnels pour autant. Quoi ? Qui a encore dit Velier ? Mais pas
seulement les Demerara de chez Velier, non, là par exemple je déguste un Don Jose
brut de fût du Panama de chez L'Esprit et je ne m'en porte pas plus mal ;)
Je ne sais
donc pas ce qui a déclenché ce changement de cœur mais je suis bien content
d'avoir pu agrandir mon éventail de recherche de rhums et d'avoir étendu mon
champ des possibles !
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