mercredi 30 décembre 2015

Les goûts et les couleuvres


Un article un peu particulier pour vous aujourd'hui.

A la recherche d'informations pertinentes sur la bouteille.
Un article qui n'aurait sans doute pas vu le jour sans les nombreux débats qui ont animé la communauté du rhum ces derniers temps. Les détracteurs et les défenseurs s'en donnant à cœur joie. La passion a été au centre de ces échanges parfois... "animés".

Et je dois vous avouer ne pas savoir par quel bout aborder le sujet alors que je commence à écrire ces lignes.
L'objet de ce débat est la marque Don Papa.

Plusieurs articles, meilleurs que celui que je suis en train d'écrire, existent déjà sur le sujet :
- celui de Cyril "Durhum", que l'on ne présente plus, par-là
- la note de dégustation de Henrik "Rum Corner", en anglais dans le texte, : ici-même

Quand je dis ne pas savoir par où commencer c'est surtout parce que plein de critiques ont été formulées à l'encontre de cette boisson (j'évite le mot "rhum" à dessin). Je vais commencer par parler des deux principales.

Justement pour débuter :
"Ce n'est pas du rhum"
Souvent formulé par "C'est du sirop contre la toux". Il est vrai que gustativement on est assez loin d'un rhum et plus proche d'un liqueur d'orange à la vanille par exemple.
Cet alcool a le mot "rum" écrit sur la bouteille, est-ce justifié ? Dur à dire... La législation sur le rhum est large et énormément de produits très différents peuvent s'appeler ainsi. On pourrait s'arrêter là et donc ne pas penser plus loin ; je comprends que certains le fassent. Mais il me semble judicieux de se demander qu'est-ce qui fait d'un rhum... un rhum. Peut-on y ajouter tout ce qu'on veut sans en changer la nature même ? Peut-on en altérer le goût à l'extrême et toujours apposer le nom rhum sur la bouteille ?
Bien sûr il n'est pas facile de savoir ce qui est ajouté quand il n'y a aucune obligation de l'indiquer sur l'étiquette.
Et c'est là une autre critique dirigée contre le Don Papa.


Plus d'info intéressantes ici ? Non.
"Il n'y a aucune transparence"
Là, pas vraiment de débat, c'est vrai, il n'y a que trop peu d'informations à son sujet. On parvient à trouver la distillerie des Philippines dont il est issu ainsi que des données relatives au traitement des fûts dans lequel il est vieilli (a priori 7 ans) mais c'est à peu près tout.
A nouveau, la législation n'oblige en rien le producteur à indiquer ce qu'il ajoute dans son rhum, ce qui fait que certains ne se privent pas.
Ce problème ne concerne malheureusement pas que ce rhum et énormément de marques profitent de cette absence de réglementations (ou pour être plus précis de la non application des règles existantes, ce qui revient certes à la même chose in fine mais ce qui veut aussi dire qu'il y a déjà des textes) pour s'en donner à cœur joie et ajouter, par exemple, beaucoup de sucre voire de glycérine pour rendre leur produit plus flatteur.
Des analyses en laboratoire ont été réalisées afin d'en savoir plus sur sa composition, elles montrent, entre autre, la présence des deux éléments cités plus haut.
D'autres analyses sont brandies par les défenseurs de la marque, la plupart travaillant pour le distributeur français, Dugas. Les résultats de celles-ci montreraient, à l'inverse, qu'aucun n'ajout de glycérol n'a été détecté.


Afin de répondre à ces arguments, les défenseurs du breuvage ne sont pas en reste et y vont leur propre plaidoyer.

"Ce rhum permet à de nombreux cavistes de vivre"
Il est indiscutable que cette boisson se vend très bien et rapporte donc aux vendeurs. De là à dire que cela les fait vivre, c'est différent - les cavistes étaient quand même là avant son apparition. Mais oui ils ne doivent pas s'en plaindre.
Peut-être là alors ? Hmmm, non toujours pas.
En revanche ce qui m’ennuie personnellement, ce sont les cavistes qui essayent de le refourguer à tout va. Quand mon oncle explique à son caviste qu'il cherche un rhum pour son neveu qui est amateur et connaisseur et que celui-ci lui sort immédiatement un Don Papa, ben je trouve que c'est du foutage de gueule.


"Ce rhum permet à de nombreuses personnes de mettre un pied dans cet univers"
C'est en partie vrai. Ce qui est sûr c'est pas mal de monde ne connait pas le rhum (ou tout autre spiritueux) ou alors l'associe à de mauvais rhums blancs, tout sauf sucrés. Du coup quand ils trempent les lèvres dans cet alcool sirupeux et très porté sur l'orange, et qu'ils voient cette bouteille si séduisante, leur cerveau ne fait qu'un tour : c'est bon.
Maintenant, j'ai moi aussi mis un pied dans le rhum par l'entremise d'un rhum sucré, l'El Dorado 12 ans et j'ai ensuite évolué au fil du temps vers autre chose. Alors oui, cela peut permettre à certains de se frotter au Rhum et c'est pas mal. Mais il y en a aussi beaucoup d'autres qui pourraient remplir la même fonction (et qui auraient une goût de rhum).


Quelques rhums de qualité. Selon mes critères en tout cas, dont certains moins chers que le Don Papa.

"S'il n'était pas bon, il n'aurait pas autant de succès"
Ça se saurait si succès était synonyme de qualité.
Le problème ici est la notion de "qualité" justement ; comment la définir ? S'agit-il principalement de la matière première utilisée, du processus d'élaboration (fermentation, distillation...), de l'utilisation la plus réduite possible de machines, de non ajouts quels qu'ils soient, du type de culture : raisonnée voire bio ou encore simplement du goût ?
Je ne vais pas me risquer à tenter de répondre à cette question mais ce que l'on peut voir c'est sa complexité et ses nombreuses ramifications. Il semble évident que choisir un unique élément pour définir la qualité est simpliste.
Dernière tentative : un chien-rat... bon tant pis.
Pour faire un parallèle - qui a ses limites - McDo a beaucoup de succès mais tout le monde s'accorde à dire qu'il ne s'agit pas de nourriture de qualité.


"La douceur de certains rhums peut provenir des fûts utilisés"
Oui, la douceur de certains rhums peut provenir des fûts utilisés (comprenez des fûts qui ont contenu précédemment un alcool qui pourrait adoucir le rhum durant son vieillissement). Mais soyons sérieux, ce n'est pas le cas ici présent. Et ce n'est d'ailleurs pas ce que disent les défenseurs du Don Papa. Ce breuvage est bien trop sucré pour que seuls les fûts utilisés expliquent ce côté liqueur.
Il est important de se poser la question : "Est-ce mal d'ajouter du sucre à un rhum ?". Je pense que la réponse est non, bien que personnellement je n'apprécie plus les rhums sucrés, qui ne sont plus à mon goût (la plupart du temps). Je pense que ce n'est pas un problème en ce sens qu'un certain public apprécie ces alcools très sucrés, mais alors il faut clairement le dire, l'indiquer, l'écrire !
Je ne pense pas être un défenseur intégriste de la transparence mais là quand même, indiquer ce qui est ingéré me semble tout simplement être du bon sens.



Je n'ai certainement pas fait le tour de la question; je n'ai que couché sur le papier les quelques pensées qui me trottaient dans la tête.

Vous aurez compris - j'imagine - que je ne suis pas un grand fan de cette marque et je pense que vous savez également que cela ne va rien changer à son succès.
Cependant, cet article me permet aussi de saluer les efforts de plus en plus nombreux d'un certain nombre d'acteurs du monde du rhum, qui tentent tant bien que mal d'encourager une plus grande transparence de la part des producteurs ainsi qu'une prise de conscience et un désir critique de la part des consommateurs.
L'écho trouvé est encore limité mais, pour le bien du Rhum, je souhaite sincèrement que producteurs et consommateurs prennent conscience de l'importance d'une plus grande clarté.


dimanche 20 décembre 2015

Ça sera le fût numéro 25.5 pour moi, merci.



Est commercialisée depuis deux jours une bouteille un peu spéciale, la cuvée issue du partenariat entre la distillerie La Favorite (de Martinique) et la Confrérie du Rhum.

A cette occasion ont eu lieu deux soirées, hier et avant-hier, chez Christian de Montaguère, ayant pour but de découvrir (déguster) cette cuvée ainsi que de rencontrer le patron de La Favorite, Franck Dormoy.

Une bonne partie de la gamme de la distillerie La Favorite

N’ayant pu m’y rendre le vendredi, j’étais content de voir qu’une soirée de rattrapage serait organisée le samedi, avec un avantage non négligeable : beaucoup moins de monde :P

Arrivé sur place, je salue Christian, rencontre un confrère avec lequel j’avais pas mal échangé par internet mais que je n’avais pas encore rencontré (salut Jonathan J) et me positionne tout proche de la table de dégustation. Après quelques minutes d’attente et l’arrivée d’autres confrères (salut Laurent et salut Sylvrine - merci pour la photo ;)), la soirée débute.

Nos convives nous parlent rapidement de ce rhum et nous expliquent qu’il s’agit du résultat de deux ans de travail, de négociations et, bien sûr, de dégustation :D Le résultat : 1000 bouteilles.

Le moment tant attendu arrive mais avant de passer aux deux échantillons de cette fameuse cuvée nous passons d’abord par le Cœur de Canne, qui est le blanc « premium » de la distillerie, puis par le Cœur de Rhum, le VSOP de la maison.

Ancien embouteillage aux reflets bleutés
Ce Cœur de Canne est pour moi un classique des rhums blancs agricoles, il fait des ti-punchs de toute beauté – sur la canne principalement mais aussi des notes fruitées et florales. Ajoutez à sa qualité, son rapport quantité/prix (environ 20€ pour un litre) et vous comprendrez que je n’ai pu repartir de la boutique sans une petite bouteille J

Le Cœur de Rhum, lui, est selon mes goûts, honorable sans pour autant trouver grâce à mes yeux.

Petit détail, qui a son importance, tout au long de la soirée, le maître des lieux nous a régalé de petits niama-niama (comme dirait ma tante), avec une terrine de canard au gingembre, des tartines de lambi, des boudins antillais et du chocolat noir de République Dominicaine. Arrivés à point nommé.

Nous arrivons au cœur de la soirée avec la dégustation des deux échantillons de cette Cuvée Spéciale 1995 ; deux car chacun issus d’un fût différent. Les bouteilles issues de deux autres fûts seront également disponibles à l’avenir. Ceux du soir sont le 25 et le 26, on commence par le premier (oui je sais ça sonne un peu con comme phrase « on commence par le premier » mais je fais ce que je veux !).

Avant de vous en dire plus, deux infos intéressantes : La Favorite pense produire prochainement un nouveau rhum blanc issu de canne rouge et explore la possibilité d'avoir des rhums d'un vieillissement entre leur Cœur de Canne et leurs très vieilles cuvées. A suivre !

La couleur, tout d’abord, est relativement foncée et attirante, entre l’ambre et le bronze.
Le nez, ensuite, est très séduisant. Il est complexe, nous offrant des arômes gourmands de caramel, de vanille, de pâte d’amande et de cerise à l’eau-de-vie. Tous ces éléments sont très bien liés les uns aux autres et l’ensemble est très équilibré et vraiment très agréable. Après quelques minutes dans le verre des notes de café apparaissent aussi. Bref, il m’a beaucoup plu !
En bouche, j’ai été un peu moins séduit, sans pouvoir vraiment mettre le doigt sur ce qui ne m’a pas emballé. Bonne surprise, malgré tout, ce n’est pas sucré (contrairement à d’autres rhums de La Favorite) ; il est assez doux mais équilibré grâce aux 45%. Le boisé est discret pour un 20 ans de vieillissement. Une discrète note salée se fait même sentir.

J'aime bien cette association de couleurs
Le fût 26 maintenant.
Un nez moins séduisant que le précédent. Il se passe moins de choses et il est moins gourmand. La différence n’est pas majeure non plus mais il m’a donné une impression moins équilibrée et moins « aboutie ».
En bouche, c’est l’inverse ! C’est celui-ci qui m’a fait la plus forte impression : plus de puissance, des saveurs plus marquées, explosives et un bois plus marqué. Bref, un rhum plus à mon goût.


En résumé deux bons rhums, chacun avec leurs qualités. Si l'un avait rassemblé le nez du 25 et la bouche du 26, j’aurais sérieusement envisagé d’en prendre une bouteille (ou plutôt un coffret, puisqu’il s’agit d’un coffret avec deux verres sérigraphiés en plus de la bouteille). Là je n’ai pas sauté le pas, 205€ tout de même.

Les avis des convives ont été partagés entre ces deux fûts et les coffrets achetés étaient de l’un ou de l’autre.



Bref, j’ai passé un bon samedi soir J