Chers lecteurs, bonsoir.
Pour la première fois depuis la création de ce blog, je vais me
frotter à un compte rendu de dégustation(s). Mais comme j'aime bien ne pas faire
les choses comme tout le monde, ce n'est pas une bouteille dont je vais parler
mais cinq et avec un idée derrière la tête : me faire une idée plus
précise et à la fois plus large des Caroni.
Ce ne sera pas la première fois que je vous parle de cette
distillerie mythique de Trinidad, et je ne vous en ai pas toujours parlé en
bien, je dois l'avouer. Mythique car produisant un type de rhum comme nulle
part ailleurs et parce qu'elle a fermé il y a plusieurs années. En effet l'Etat
décida de mettre fin à la culture de la canne à sucre en 2001, ce qui sonna le
glas des activités rhumières. Autant dire que ce rhum est amené à disparaître
plutôt tôt que tard ; il était donc grand temps que je m'y penche.
Il y a surtout deux embouteilleurs indépendants qui ont, au
travers des années, mis ces rhums à l'honneur : Bristol Classic et Velier,
chacun avec une approche différente. En effet, l'embouteilleur italien a voulu
au maximum préserver la nature, l'essence et la singularité de Caroni en
sortant des versions brut de fût ou réduites entre 52° et 55°. L'embouteilleur
britannique, lui, présentant des versions réduites, certains diront édulcorées.
Il faut ajouter à ces deux maisons, tout un tas d'autres marques
plus confidentielles, qui ont pu, d'une manière ou d'une autre, mettre la main
sur un stock du précieux liquide et sortir leurs propres bouteilles.
Photo de famille |
Caroni (quelle que soit la bouteille) se démarque dans le monde du
rhum. Il développe des arômes qui lui sont propres ; on entend souvent :
goudron, caoutchouc... Mais est-ce le cas de tous les rhums issus de cette
distillerie ? Certains sont-ils moins abruptes et monolithiques que d'autres ?
La gourmandise et la douceur sont-elles possibles dans ce monde de brutes ?
D'autres saveurs peuvent-elles survivre à cet univers d'hydrocarbures ?
C'est pour répondre à toutes ces questions, et quelques autres,
que j'ai décidé de déguster et comparer, par la force des choses, les cinq
différents Caroni en ma possession.
Mais pourquoi ai-je eu... la patience, pourquoi ai-je persisté à
vouloir découvrir ces rhums si particuliers alors que ma première expérience ne
fut pas encourageante ? Tout simplement parce que c'est Caroni. Alors oui, ça
ne vous éclaire pas tellement mais personnellement, l'idée, l'image d'une
distillerie abandonnée (et pleine de fûts !), mangée par les hautes herbes, protégée par une simple
grille et gardée par une vieille dame seule, eh bien, ça fait plus que juste
titiller ma curiosité.
Ajoutez à ça les louanges dont ces rhums font l'objet et voilà qui
justifie un minimum de persévérance !
Ma toute première |
Trêve de blabla, et passons à la première bouteille, le Caroni 18
ans (distillé en 1994 et embouteillé en 2012) de Velier réduit à 55%. Si je
précise ces différentes dates en plus son âge c'est pour vraiment identifier de
quel rhum il s'agit (certes il y a la photo à côté mais bon :P), parce que,
eh bien, chez Velier, c'est un beau bordel, il y a tellement de millésimes, de
versions réduites ou non, d'âges, qu'il est très difficile de s'y retrouver ;
personnellement j'ai abandonné tout espoir d'y voir clair.
C'est précisément mon premier Caroni, que j'avais acheté fin 2013 pour... et bien pour en avoir un dans ma collection. Celui-là même qui m'a rendu
dubitatif quant à ces rhums pourtant si réputés. Vous comprendrez donc aisément
que, bien qu'ouverte en fin d'année dernière, elle soit loin d'être vide.
Plus que simplement pour "avoir un Caroni à la maison",
il m'a permis de bluffer quelques amis lors de dégustations.
Au nez, il présente les arômes représentatifs de son origine :
caoutchouc (pneu), bitume, ainsi que cuir et tabac (cigare). Jusque-là rien de
surprenant (pour quelqu'un qui connait déjà Caroni bien sûr).
En bouche cependant, voilà quelque chose de plus étonnant : de la
rose et pas qu'un peu ! Alors évidemment, des roses qui seraient prises dans du
goudron tant les deux saveurs, que l'on pourrait penser opposées, forment une
alliance pas si contre nature que ça. Le souci c'est qu'il ne m'offre pas
tellement plus en bouche, il a même tendance à saturer le palais. Pas de souci
niveau alcool, les papilles sont tellement obnubilées par ces goûts extrêmes
que les 55° passent tout seul.
Le finish est long (tellement long et marquant que le lendemain
matin vous aurez l'impression d'en avoir siroté toute la nuit), on y retrouve
la rose mais aussi le bois, pas si présent que ça en bouche, et l'olive noire.
Au final, une créature imposante, pour ne pas dire monolithique et
pas très orientée plaisir.
Vu, acheté ! |
Passons ensuite au Caroni d'un embouteilleur bien moins connu (je
n'en avais jamais entendu parler avant de voir et d'acheter cette bouteille),
celui de Barangai Rum, de 1997, réduit, lui, à 52%.
Notons ici en passant que Luca Gargano, spécialiste en la
matière, explique qu'un Caroni réduit en deçà des 52% perd de sa typicité et en
serait gâché.
J'ai mis la main sur celui-ci lors de mes escapades italiennes (dont je vous ai déjà parlé en détails dans d'autres articles) à l'enoteca Arte del
Bere à Lazise en août dernier. Ce fut un achat à l'aveugle, chose que je fais
très rarement, mais qui me permis non seulement d'ajouter un Caroni à ma
collection mais aussi de "remercier" le très sympathique Luca (un
autre :P), maître des lieux.
Et que donne-t-il en dégustation ?
Au nez il n'est pas aussi massif que le précédent. On y retrouve
cette "trame" Caroni mais avec un accent plus marqué sur le cuir et le bois.
Quelques touches de vanille viennent adoucir l'ensemble et l'alcool se fait
très discret ; cela laisse présager quelque chose d'assez "doux" en
bouche.
Voyons voir si cela se confirme. Eh bien non ! C'est sec et
énergique, l'alcool est bien plus présent qu'au nez. C'est boisé, et tannique
mais sans être désagréable pour autant. Malheureusement il reste un peu fermé
comme s'il ne s'exprimait pas au maximum de ses capacités. La très discrète
salinité lui amène un petit quelque chose en plus et est complété par des notes
fumées.
La finale - qui pourrait être plus longue - est à nouveau très
cuir, qui sera définitivement le marqueur principal de ce rhum ; l'olive vient
s'y mêler et enfin les fleurs blanches viennent parfaire ce triptyque
sensoriel.
Can't wait for the rest of your notes on the Caroni line.
RépondreSupprimerHey Lance!
RépondreSupprimerThanks. Should be up on Sunday if all goes according to plan ;)